mercredi 21 mars 2007

Contre le communautarisme

Le célèbre bloggeur Hervé Resse publie une note de lecture sur "Contre le communautarisme (Editions Armand Colin, mars 2007), Julien Landfried".
Extrait :
"L'ouvrage pointe notamment l'abandon par les partis dits progressistes de toute référence aux conditions d'existence et de travail de la classe ouvrière (qui continue, qu'on le veuille ou non, de rassembler 25% des salariés du pays), au bénéfice de "minorités" perçues comme autant de clientèles potentielles, à qui doit toujours être tenu un discours spécifique. Il indique clairement comment la loi sur la parité, - confondant objectif et moyen d'y parvenir-, a brisé un principe fondateur de la république, et enclenché la machine infernale des représentations par quotas, qui désormais sont affirmées comme autant de revendications justes par les "porte-paroles" le plus souvent autodésignés des minorités. Il illustre comment loin de constituer un progrès, ces nouvelles revendications rompent avec l'universalisme des Lumières."

entretien l'express et Julien Landfried.
L'Express.fr : Que désigne exactement le communautarisme?
Julien Landfried : Le communautarisme est la revendication de droits spécifiques pour un ensemble de personnes rassemblées par des critères religieux, ethniques, sexuels… Le communautarisme apparaît quand il y a une organisation politique et que des leaders, que j'appellerais des "entrepreneurs identitaires", demandent que soit reconnue leur spécificité, par une loi ou une forme de discrimination positive par exemple.

Vous parlez de marasme communautaire, n'est-ce pas un peu exagéré? Quelle serait l'ampleur du phénomène?
Depuis quelques années, on note une réapparition du régionalisme, la multiplication d'associations identitaires, religieuses, une importation du conflit israélo-palestinien dans la société française. Parallèlement, on assiste à une extension de la pénalisation des discriminations envers ces communautés, un encadrement de plus en plus stricte de la liberté d'expression, par des lois mémorielles, un projet de loi condamnant les propos homophobes, etc.

Avec quelles conséquences?
Avec pour conséquence une forme d'intimidation, de terrorisme intellectuel. Un Noir qui ne serait pas en accord avec "sa communauté" peut être taxé de "faux Noir", de "Noir à l'extérieur et blanc à l'intérieur". Le communautarisme est une logique d'exclusion contraire à l'unité laïque et républicaine. Un morcellement artificiel: par exemple, beaucoup de juifs français ne se reconnaissent pas dans le Conseil représentatif des institutions juives de France.

Quelle explication donnez-vous à cette évolution?
Elle s'explique par l'effondrement de l'idéologie dominante à gauche, le marxisme. La gauche privilégie désormais un modèle qui oppose les minorités aux majorités. Ce modèle s'est substitué à celui de la lutte des classes. Et des "entrepreneurs identitaires" en profitent. Je note aussi qu'Internet à favorisé cette émergence. Le Web permet d'entrer dans le débat public à moindre coût, quand la presse écrite communautaire reste faible en France.

Sans discrimination positive, comment répondre aux inégalités?
En cette période électorale, les "entrepreneurs identitaires" sont parvenus à imposer leurs revendications dans le débat, aux dépens des questions sociales, qui sont en fait la vraie priorité. Dans les programmes politiques des candidats, si vous faites une recherche par occurrence sur Internet, le mot "ouvrier" a quasiment disparu. Par contre, le Parti communiste français fait du combat pour les femmes une de ses priorités. Or une femme, ou un Noir seront toujours plus discriminés s'ils sont issus de milieux défavorisés. En France, le problème n'est pas l'endogamie ethnique - il existe par exemple beaucoup de couples mixtes - mais l'endogamie sociale. Ce sont donc aux inégalités sociales qu' il faut remédier, dans la tradition républicaine.