vendredi 24 juillet 2009

«hybridation» ou «métissage culturel»

Observatoire du communautarisme

Observatoire indépendant d'information et de réflexion sur le communautarisme, la laïcité, les discriminations et le racisme

Un article exclusif de Pierre-André Taguieff (directeur de recherche au CNRS, Centre de recherches politiques de Sciences Po, Paris).



Pierre-André Taguieff (photo de JP Stora, droits réservés)
Pierre-André Taguieff (photo de JP Stora, droits réservés)
La grande question anthropologique aujourd’hui est de comprendre les conséquences culturelles de la globalisation, ce qui implique de se forger les outils conceptuels requis pour les analyser dans leur spécificité. On sait que la globalisation constitue un processus planétaire complexe dont la première caractéristique est d’accélérer les échanges, les transferts et les mélanges, et, partant, d’ébranler les identités collectives substantielles, de les rendre instables et provisoires, alimentant incertitudes et craintes dans les masses territorialisées, et suscitant au contraire de l’espoir dans le monde des élites transnationales. La globalisation donne de la vitesse à des processus qui étaient déjà constitutifs de la modernité : contacts et échanges entre civilisations ou cultures, rencontres et emprunts réciproques, communication et interaction entre formes sociales et culturelles. Certains théoriciens postmodernes y voient un processus global de « fluidification », voire de « liquéfaction » affectant toutes les formes sociales réputées « stables », toutes les entités culturelles jusque-là perçues comme « solides » (Bauman, 2004, 2006a et b, 2007). Le discours d’éloge de la globalisation ou de la mondialisation, oubliant l’anxiété croissante provoquée par la dissolution des formes sociales et des spécificités nationales, met au premier plan ces caractéristiques supposées positives, qui semblent s’opposer sainement aux attitudes racistes de rejet des mélanges raciaux, de réification des identités collectives et de fermeture aux échanges entre cultures ou au « dialogue des civilisations ». Les mondialisateurs heureux y voient un progrès général de la tolérance et de l’« ouverture à l’autre », la promesse d’une universalisation rapide de l’écoute réciproque des cultures, processus qu’on célèbre ordinairement comme « enrichissant »...